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Enjeux

Tout produit, en ce compris les matériaux et éléments de construction ainsi que le bâtiment en tant qu'objet construit, génère des impacts liés à sa fabrication , son utilisation , sa fin de vie . S'il est entendu que la première exigence à laquelle doit satisfaire un produit de construction, un bâtiment, est bien qu'il remplisse correctement la fonction pour laquelle il a été conçu et que ses caractéristiques techniques satisfassent aux exigences (stabilité, résistance au feu, etc.), le produit concerné peut générer des impacts environnementaux et/ou sanitaires problématiques, tout au long de son cycle de vie ou à une étape donnée de celui-ci.

La méthode la plus aboutie permettant d'évaluer l'impact environnemental d'un matériau ou produit de construction est sans contestation le recours à un outil d'analyse du cycle de vie à l'échelle des éléments de construction et du bâtiment dans son ensemble.

Représentation schématique du cycle de vie d'un produit

Figure 1 : Représentation schématique du cycle de vie d’un produit (Source : VITO s.a.)

Historique de l'analyse du cycle de vie

(source : Université virtuelle environnement et développement durable, Université de Valenciennes, France, 2012)

L'expression "analyse du cycle de vie" correspond à l'anglais Life Cycle Assessment (LCA). Les premières études de ce type ont été réalisées aux États-Unis dans les années 60, justifiées par des préoccupations visant la réduction des consommations des matières premières et de l'énergie consommée.

L'apparition des Analyses de Cycle de Vie (ACV) est due :

  • aux premières études visant l'optimisation des consommations énergétiques,
  • à l'évolution de ces études, pour prendre en compte les consommations des ressources énergétiques, ce qui a permis d'améliorer l'analyse des consommations et de tirer plus d'enseignements ("flux entrants"),
  • à l'évolution des études précitées par la prise en compte non seulement des "flux entrants" mais aussi des "flux sortants" (émissions et pollutions) des systèmes industriels de production considérés.

Actuellement, cette démarche est mondialement utilisée, grâce à l'implication des organismes gouvernementaux et aux efforts de diverses institutions. Les normes dédiées à l'ACV sont regroupées dans le cycle ISO 14000.

Cette fiche a pour objectif de permettre au lecteur de comprendre la notion de cycle de vie de la matière, et d'introduire les outils d'analyse et d'aide au choix qui sont à sa disposition, afin d'opérer un choix judicieux en connaissance de cause.

Les enjeux liés à la matière, énoncés dans Problématique et enjeux d'une utilisation durable de la matière préfigurent les paragraphes repris ci-dessous. En ce sens, la présente fiche constitue un complément, axé sur l'analyse du cycle de vie.

La prise de conscience des impacts environnementaux et sanitaires des produits de construction

La conscientisation des impacts environnementaux et sanitaires des matériaux et produits utilisés dans le secteur de la construction et de la rénovation se faisant de plus en plus prégnante, que ce soit du côté des consommateurs, des fournisseurs, des décideurs politiques ou du fait de l'évolution du cadre législatif en matière d'environnement, de nombreux producteurs mettent en place une politique de gestion environnementale. La prise en compte des impacts générés par leurs produits leur permet d'adapter la conception et le procédé de fabrication afin de les inscrire dans une approche durable. Une telle démarche comprend également des avantages en termes d'optimisation des moyens, en termes de ressources matérielles, énergétiques et financières, leur permettant de rester concurrentiels et encourageant l'innovation dans les procédés industriels (cradle-to-gate).

 

Représentation schématique des flux pris en compte dans une analyse cradle-to-gate

Représentation schématique des flux pris en compte dans une analyse cradle-to-gate (Source : solidworks.fr )

 En Belgique, un l'Arrêté Royal Messages environnementaux fixe fixant les exigences minimales pour l' affichage d'informations environnementales sur les produits de construction est en cours d'élaboration. Tout fabriquant souhaitant apposer un message environnemental sur son produit doit réaliser une analyse du cycle de vie et la faire vérifier par une tierce partie agréée, puis l'enregistrer sur la base de donnée EPD (gérée par le Service Public Fédéral Santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement). Les déclarations ainsi récoltées alimenteront la base de données EPD belge en ligne.

Cependant, les matériaux de construction ne sont pas des produits finis  : après leur fabrication, ils doivent être mis en œuvre, puis entretenus . Les impacts chiffrés jusqu'à la sortie de l'usine (cradle-to-gate) ne sont donc pas représentatifs des impacts sur l'ensemble du cycle de vie du produit concerné : un étiquetage, bien qu'il puisse fournir des informations intéressantes, ne saurait suffire pour opérer un choix justifié en connaissance de cause.

Emissions dans l'air intérieur

L'étiquette « Emissions dans l'air intérieur », désormais obligatoire en France, indique la performance du produit de finition concerné sur une échelle graduelle. Facile à lire et à comprendre, elle ne concerne que l'émission de certaines substances nocives dans l'air intérieur, et ne donne aucune indication sur la performance environnementale du produit - (Source : bio-construction.com )

L'importance d'une analyse « du berceau à la tombe » (ou cradle-to-grave) vs « du berceau à la porte de l'usine » (ou cradle-to-gate)

La mise en œuvre d'un produit de construction génère, selon le procédé constructif retenu, les produits spécifiés dans le cahier des charges et la technique d'assemblage préconisée, également des impacts. Au cours du chantier, les matériaux composant le bâtiment sont progressivement immobilisés , pour une durée plus ou moins longue, dans l'objet construit qu'est le bâtiment. Pendant leur vie au sein de la construction , ils peuvent nécessiter un entretien plus ou moins régulier (avec ou sans recours à des produits pouvant avoir, eux également, des impacts environnementaux et/ou sanitaires divers). Lorsque vient le moment où leur vie dans le bâtiment s'achève (remplacement pour des raisons esthétiques, fonctionnelles, techniques ou performantielles), la façon dont ils ont été assemblés, fixés, intégrés est déterminante pour leur destination en fin de vie (récupération, réemploi, tri des déchets en fractions nettes, possibilité de recyclage...).

Représentation schématique du cycle de vie complet d'un bâtiment et des matériaux et éléments de construction qui le composent

 

?Figuur 4: Schematische voorstelling van de volledige levenscyclus van een gebouw en van de bouwmaterialen en -elementen waaruit het bestaat.? (Source : Wim De Backer, VUB 2009.)

Il est donc essentiel de tenir compte du cycle de vie complet du bâtiment et des produits dont il est composé dès la conception du projet, que les méthodes d'assemblage soient choisies afin de permettre un scénario de fin de vie à valorisation optimale, et que les impacts générés par les éléments mis en œuvre soient pris en considération. Ce type d' analyse ( cradle-to-grave) – réalisée au moins pour les matériaux, de préférence pour tout élément constitutif (ex. complexe de façade, de toiture) et idéalement à l'échelle du bâtiment dans son ensemble - est l'outil d' évaluation objective par excellence.

L' approche « du berceau au berceau » (ou cradle-to-cradle )

Le cradle-to-cradle (ou C2C) est autant une approche conceptuelle concrète qu'une démarche d'éthique environnementale et de philosophie de la production industrielle qui intègre, à tous les niveaux - de la conception, de la production et du recyclage du produit - une exigence écologique dont le principe est zéro pollution et 100 % recyclage.

En simplifiant : un produit fabriqué doit pouvoir, une fois recyclé, produire à nouveau le même produit, seul un ajout d'énergie renouvelable intervenant dans le cycle.

Appliqué au bâtiment, le cradle-to-cradle se décline autant à l'échelle des matériaux et produits qu'au niveau des éléments composant le bâtiment, ainsi que pour le bâtiment dans sa globalité. L'impact des techniques d'assemblages y est d'ailleurs très important, car elles impactent directement la dissociabilité, essentielle en vue d'une réintroduction des matières dans la boucle.

Aperçu schématique de l'approche cradle-to-cradle

?Figuur 5: Schematisch overzicht van de cradle-to-cradle-aanpak? (Source : http://www.ecstatictruthpdx.blogspot.com  )

Cette approche, lorsqu'elle est intégrale et qu'une garantie effective de zéro pertes (flux sortants) existe, permet au produit et/ou à toutes ses composantes de réintégrer la boucle de la matière. Il s'agit de l'approche la plus aboutie en termes de cycle de vie. Il existe également un label cradle-to-cradle (C2C) ; celui-ci comprend différents niveaux de performance. Etant donné que ce label, malgré son intérêt indiscutable, ne fait actuellement l'objet d'aucun contrôle externe, il n'est pour l'instant pas repris parmi les dispositifs de cette fiche.

Prolonger le cycle de vie d'un matériau, d'un élément de construction, d'un bâtiment: la réutilisation

La réutilisation permet de réinsérer un matériau, élément, bâtiment dans la boucle de la matière à la phase de distribution (revente) ou d'utilisation du produit ( réutilisation directe sur site). Le produit, élément, bâtiment échappe donc aux phases de production et de fin de vie.

Par ordre de priorité, la réutilisation d'un bâtiment et des éléments de construction qui le composent constitue l'approche la plus pertinente au niveau du cycle de vie de la matière (à condition de s'assurer que le programme de rénovation n'engendre pas la démolition d'une part importante des éléments en place – à ce sujet, consultez la partie « Aspects communs à tous les dispositifs » des différents dispositifs du thème Matière ).

Schéma synthétisant l'approche « Life Cycle Thinking ».

 

Schéma synthétisant l'approche « Life Cycle Thinking ».(Source : Wim De Backer – VUB 2009 )

Le schéma met en évidence le cycle de vie du bâtiment (en bleu), des éléments de construction (en vert) et des matériaux (en rouge). La réutilisation y figure comme un élément clé à intégrer à l'approche conceptuelle d'un projet, autant en rénovation qu'en nouvelle construction

Au niveau des matériaux, et ce malgré le développement des filières de seconde main (qui, outre les bénéfices en termes de boucle de la matière sont également créatrices d'emplois), peu de professionnels du bâtiment envisageant à l'heure actuelle le recours à des matériaux récupérés. S'il est admis que ces produits ne bénéficient que rarement d'une garantie du fabricant, il importe de rester objectif : la réutilisation d'une structure fera l'objet d'un avis d'un ingénieur en stabilité, une tuile de toiture qui n'a subi aucune dégradation peut à nouveau remplir sa fonction initiale, un carrelage de sol démonté ne présentant aucune fissuration peut retrouver une destination. Par ailleurs, certains produits peuvent facilement être déclinés dans une nouvelle utilisation : des feuilles de porte planes transformées en tables ou tablettes, des seuils de porte devenant des tablettes de fenêtre,...

  • Exemple d'un projet intégrant des matériaux et élément issus de la récupération : la villa Welpeloo
  • À Roombeek, un des quartiers de Enschede aux Pays-Bas, une maison individuelle essentiellement constituée de matériaux de récupération et de chutes de fabrication a été érigée en 2010.
  • La structure portante est constituée d'une construction à ossature en acier dont les profilés appartenaient autrefois à une machine textile d'une usine voisine. Les assemblages sont vissés et non soudés, permettant ainsi facilement un désassemblage ultérieur.
  • Pour la façade, le bois a été fourni par des bobines enrouleuses de câbles spécialement traitées à chaud pour obtenir une meilleure résistance aux intempéries.
  • Des chutes de verre d'une verrerie des environs immédiats ont été utilisées pour fabriquer la plupart des fenêtres, tandis qu'un fabricant de caravanes voisin a fourni des restes de polystyrène pour réaliser l'isolation thermique de la façade.
  • Les apports neufs en termes de matière se limitent aux fondations en béton, aux installations techniques, aux peintures et aux châssis de fenêtre.
  • La maison affiche un bilan carbone à hauteur de 5% des émissions de CO2 par rapport à une construction équivalente en matériaux neufs.
  • Villa Welpeloo, Enschede, Pays-Bas
?Figuur 7: Villa Welpeloo, Enschede, Nederland - architecten: 2012Architecten – foto: http://www.duravit.? Architectes : 2012Architecten © Duravit

    Fin de vie : la recyclabilité et le recyclage effectifs face à la théorie

    Au niveau de la boucle de la matière, la recyclabilité effective joue un rôle déterminant : elle est non seulement fonction de la composition du produit, mais également de la faisabilité d'une séparation en fractions de déchet nettes.

    Un matériau dit «  recyclable  » peut l'être en théorie (le recyclage est techniquement, physiquement et chimiquement possible), mais aucune garantie absolue qu'il fera l'objet d'un recyclage effectif à la fin de sa vie ne peut être donnée. Le recyclage n'est en général mis en œuvre que quand le procédé est rentable  : en termes de ressources (consommation énergétique du recyclage, par exemple), ainsi qu'en termes financières (coût du recyclage versus coût d'un produit, d'une matière première nouvellement extraite).

    Représentation schématique du cycle de vie d'un matériau

     

    Représentation schématique du cycle de vie d'un matériau(Source : Wim De Backer, VUB 2009.)

     

     

    Par ailleurs, ce qui n'est pas recyclable aujourd'hui pourrait l'être à l'avenir, notamment en raison d'une disponibilité de plus en plus limitée (et donc une augmentation du coût) des matières et composantes contenues dans le produit, engendrant ainsi un intérêt amplifié pour les matières recyclées. A noter que le recyclage peut demander des ressources (ex. en eau, en énergie) : la nature et quantité de ces ressources engendre à son tour un impact environnemental. En général, il est conseillé de favoriser les matériaux et éléments de construction facilement séparables en fractions nettes, et d'éviter les produits composites.

    Si à la fin de sa vie, un produit/ matériau est effectivement recyclé, et que ce processus permet aux matières recyclées de réintégrer la boucle de production (du même produit ou d'un autre, sans détérioration du niveau de qualité), cet enchaînement d'étapes forme une boucle fermée. En réalité, cette boucle est rarement complètement fermée : des « pertes » (flux sortants) peuvent se produire, et un nouvel apport de flux entrants (matière, eau, énergie...) peut être nécessaire.

    Au niveau du cycle de vie de la matière, la réutilisation de matériaux, produits, éléments et bâtiments constitue une démarche des plus pertinentes. Elle permet d'éviter de recourir à des éléments neufs (issus d'un procédé de fabrication dont l'impact environnemental et sanitaire est fortement variable d'un produit à l'autre, ainsi que d'un fabricant et d'une usine à l'autre). Elle prolonge également la durée de vie du matériau ou produit concerné : la non réutilisation de celui-ci annonce la fin de son cycle de vie, et le destinera, selon la facilité de démontage / désassemblage, la rigueur du tri des déchets et le potentiel réel de recyclage, au mieux à une réintégration dans une boucle de production d'un matériau neuf, au pire à la mise en décharge.

    Ce site s'adresse à tous les particuliers, entrepreneurs et architectes qui désirent acheter, vendre, ou mettre en œuvre des matériaux de réemploi. On y trouve un annuaire actualisé de revendeurs professionnels et de matériaux, ainsi que des conseils à propos des matériaux de réemploi et de leur mise en œuvre -

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    Dernière révision le 01/01/2013